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Ma vie entre deux mondes

Coincée entre deux mondes...

Source BD "des mots et des mains"
Source BD "des mots et des mains"

La société a créé une sorte de moule dans lequel tout un chacun doit rentrer pour être dit « comme tout le monde ». Il faut être grand, mince, jeune et beau !! Or le standard créé par les médias, la mode et le snobisme n’est pas le quotidien du citoyen lambda. Me concernant, le fait d’être malentendante ne me pose aucun problème. Par contre la société, elle, pense que je le subis. Elle me voit inférieure, me refuse certains métiers (communication, commerce, artisanat, paramédical….etc). Or, être malentendante n'est pas subir un handicap, c’est simplement appartenir à une autre culture, dans laquelle le geste autorise des fonctions langagières inconnues des entendants et la lecture labiale des possibilités toutes aussi inconnues.

L'idéologie de l'oralisme.....

La langue des signes, jadis reconnue comme moyen d'instruire les enfants sourds-muets, fut progressivement supplantée par l'oralisme, une « idéologie » obligeant les sourds et malentendants à renoncer à la gestualité pour ne plus utiliser que la parole vocale. Avec l'interdiction du langage des signes par les entendants (1880), les sourds-muets disparurent pour longtemps de l'espace public. Considérés comme des anormaux, ils furent soumis à des exercices d'articulation aboutissant à un illettrisme massif.

Aujourd’hui, si la LSF a repris ses droits, on nous impose tout de même l'implantation cochléaire, la réparation à tout prix de l'audition, le forcing éducatif de la parole (orthophonistes) et l’appareillage classique. Ce monde d’entendants, sous couvert de vouloir notre bien, s’assure surtout de ne pas à avoir d’effort à faire pour communiquer avec nous et restreint le plus possible l’accès à la LSF qu’il apparente à une sous langue « d’handicapés ».

Coincée entre deux mondes ....

Quand je regarde bien, je vis dans un monde d’entendants qui me voit surtout comme une handicapée. Comble de tout cela je me situe, en tant que malentendante entre le monde des entendants et celui des sourds. Ce qui est encore plus difficile au quotidien. Car les sourds ont un monde, une culture, une langue (la Langue des Signes Française) et pour eux je ne me distingue pas des entendants puisque j’oralise et je ne parle pas la LSF. Donc, je ne fais pas partie de leur monde dans lequel, d’ailleurs, je suis perdue il faut bien le dire. On peut dire que pour eux en plus d’être entendante je suis un peu assimilée à une déficiente gestuelle. Et de l’autre côté je suis rejetée par les entendants pour qui je suis sourde car le politiquement correct ayant voulut bannir le mot sourd, il est de bon ton de dire « malentendant » pour un sourd profond. Il en résulte qu’étant rangée dans la catégorie des sourds, les entendants me traitent comme une infirme !

Et en effet, rien n’est fait pour me faciliter la vie. Les sous-titres de la télé (quand il y en a) fonctionnent rarement correctement. Il manque la moitié des phrases quand elles ne sont pas purement et simplement supprimées. Rien n’est fait au niveau des téléphones modernes (fixes et portables) pour y intégrer la fonction de transcripteur automatique de la voix (qui existe déjà sur les ordinateurs). Rien n’est fait dans les écoles pour intégrer d’office la LSF dans les petites classes (maternelle et primaire). Beaucoup de formations et donc métiers nous sont refusés. Aucun séminaire d’entreprise n’est accessible aux malentendants ou aux sourds à part des séminaires spécifiques. Et rien n’est fait au niveau des entreprises pour faciliter l’embauche des malentendants. Elles préfèrent d’ailleurs payer l’amende forfaitaire annuelle que d’embaucher. Le taux de chômage chez les malentendants et les sourds est considérable. Après, les empêcheurs de tourner rond viennent se plaindre que nous vivons, pour la majorité, des aides de l’Etat (AAH). Mais si tout un chacun connaissait un minimum de LSF appris dans l’enfance, si l’adaptation du poste de travail était automatique dans les entreprises les entendants s’apercevraient même plus de notre différence. Mais on préfère nous façonner à une image (oralisation, appareillage) , nous faire entrer dans un moule qui n’est pas le notre et nous laisser végéter dans notre différence plutôt que de faire l’effort de nous intégrer dans la société.

Et les professionnels dans tout ça ? ...

Quant aux médecins et professionnels de l’audition, il faut bien admettre qu’à part vouloir nous faire oraliser, ils ne font pas grand-chose pour nous aider. Prenons mon cas, depuis mon adolescence je fais des pieds et des mains pour apprendre la LSF et la lecture labiale. Mais parce que j’entendais « de trop », j’ai dû attendre mes 30 ans pour qu’on m’oriente vers un orthophoniste et que l’on me reconnaisse malentendante. Et je n’ai toujours pas accès à la LSF aux jours d’aujourd’hui. Je l’apprends seule sur Utube et avec des livres, ce qui est un comble surtout quand on sait qu’il ne me reste à peine 2% d’audition. Le jour où, comme mon arrière grand-mère, je vais me réveiller dans le silence le plus absolue, on me refusera encore l’accès à ce moyen de communiquer uniquement parce qu’ayant été « entendante », je devrais me laisser poser un implant pour continuer « d’entendre ». Or si c’est pour entendre une voix numérique (la même pour tout le monde) et supporter un objet « collé » dans mon crane, moi je dis non. Mais me laissera-t-on le droit de dire non ? Rien n’est moins sûr..

Foeby Anne / Facebook : Foeby Anne / Maman Malentendante / Sourds / Entendants

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