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Ma vie entre deux mondes

Surdité et socialisation...

Foeby Anne - Source Vos questions de parents
Foeby Anne - Source Vos questions de parents

Suite à mon article « Malentendante et pas malheureuse », un de mes lecteurs (dont je suppose qu’il est dans le milieu médical) m’a assuré dans un message mail que les malentendants et sourds ne pouvaient pas se socialiser « normalement » par rapport à une personne entendante.

  • A la rencontre de l'autre....

Je vais donc répondre ici. Quand on parle de socialisation, on parle forcément d’interaction (avec l‘autre) et de communication. L’être humain, en général, aime sortir, aller au cinéma, au concert, au restaurant, à des expositions ou encore chez des amis (la liste n’est pas exhaustive). Quel est le point commun à tout cela ? La distraction, la rencontre de l’autre, l’interaction avec la communauté et le bruit de fond (paroles, bruits des gens, musique de fond etc…).

Pour une personne malentendante (qui entend encore un peu), mais surtout pour une personne sourde, cela va surtout être visuel et basé sur le ressenti (relationnel, émotionnel, digestif etc…), ce qui, pour certains (comme mon abonné), est trop peu et affecterait la vie quotidienne et la qualité du relationnel.

  • Je ne me sens pas coupée du monde...

Je ne suis pas d’accord. Pour moi, qui suis malentendante, cela n’est pas une gêne. Je vais au cinéma et comprend le film car j’entends encore suffisamment avec mes appareils, mais en même temps les images parlent aussi d’elles-mêmes. Quand je ne comprends pas, je devine l’action au fil des images. Je ressens l’émotion des personnages. Quand je serai sourde, je regarderai les dvd des films avec les sous-titres. Quand je vais au restaurant, je n’y vais pas pour la musique de fond (que je n’entends jamais) mais pour ce qu’il y a dans mon assiette. J’y vais pour manger pas pour juger de la musique de fond. Quand je visite un musée ou une exposition, je prends des brochures, j’utilise la lecture labiale pour communiquer.

Il en est de même à mon travail ou en formation, j’utilise la lecture labiale et les supports écrits. J’utilise les textos, les mails et les réseaux sociaux pour joindre les personnes (et le téléphone tant que je peux encore). Quand je vais chez amis ou que je les reçois, c’est la même chose. Je ne me sens pas coupée du monde.

  • Une vision obsolète...

Les entendants imaginent les sourds isolés, déprimés sans horizon relationnel ou intellectuel. Cette vision est obsolète. Une personne sourde, elle, va tout d’abord communiquer avec la LSF, utiliser aussi la lecture labiale et tous les moyens existants pour l’écrit (textos, mails ; skype, réseaux sociaux etc…). Tout comme moi, elle communique et n’est pas isolée et, ce, depuis le plus jeune âge. La LSF est une langue à part entière, elle est donc parfaite pour communiquer. Les sourds sortent, ils se retrouvent dans des café de sourds (ou de signes), ils vont au restaurant, à des expos ou dans les musées. Ils ont aussi des amis et certains vont même à des concerts où ils « entendent » (ressentent) les rythmes, les vibrations. Dès le plus jeune âge, ils apprennent à vivre avec « l’autre », à communiquer avec lui. Ils se socialisent donc très bien n’en déplaise à nos détracteurs.

Quant à nous, les malentendants, nous trouvons des astuces pour nous fondre dans la masse des entendants. Donc, nous nous socialisons très bien. Il faut arrêter de nous voir comme des personnes isolées et mal à l’aise avec la société alors que nous faisons partie intégrante de celle-ci.

Bien-sûr, il y a des moments compliqués quand nous comprenons mal ou pas un entendant (je vous rappelle que seul 30% environ d’une phrase peut-être « lue » sur les lèvres, le reste étant à deviner). Mais ceci pourrait être évité si la LSF était enseignée à l’école. En règle générale, cette incompréhension se résout relativement facilement même si il y a encore malheureusement des personnes qui nous fuient par peur ou méconnaissance.

  • Mon relationnel va très bien...

Personnellement, je n’hésite jamais à dire que je suis malentendante afin que les gens me parlent en face et je les fais répéter. Mes amis sont ceux qui acceptent et comprennent mon handicap, les autres bah, ils passent leur chemin. Je ne me sens pas seule. Et à ceux qui en douteraient, mon relationnel va très bien, merci.

  • La surdité, un handicap invisible...

Je crois que le problème majeur de la surdité est qu’elle est invisible, donc nos gouvernants l’occultent volontairement par rapport à d’autres handicaps qui sont physiques, donc visibles. Il en est de même avec les entendants qui sont toujours surpris et déstabilisés quand on leur révèle notre statut. Elle est si peu visible qu’il arrive fréquemment que même les habitués (famille ou amis) l’oublient.

J’invite fortement les entendants à ne pas ignorer notre existence, à communiquer avec nous et à nous voir aussi intéressants et socialisés qu’eux. Nous sommes des acteurs de notre société au même titre qu’eux. Alors qu’ils ne s’isolent pas et communiquent avec nous. Qu’ils nous embauchent au lieu de nous laisser sur le chemin de la précarité. Ils seront agréablement surpris.

Foeby Anne / Ma vie entre deux mondes / Facebook : Foeby Anne / Maman Malentendante / Surdité et socialisation

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