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Ma vie entre deux mondes

Chronique de ma surdité #23 : Carnet de vie chapitres 11 – 12.

 

 

Aujourd’hui, on se retrouve pour deux autres chapitres de mon carnet de vie… Je vous souhaite une bonne lecture…

 

1977 - Sourde et Aveugle…

Un jour, j’ai la surprise de voir ma mère à la sortie de l’école. Je suis tellement contente que je me précipite dans ses bras. Elle me manque tellement. Je ne la vois plus avec son travail. Je me sens abandonnée, toute seule dans ma vie d’enfant. Arrivée à la gendarmerie, on ne rentre pas à l’appartement. Elle m’emmène dans la cour et nous montons en voiture. Elle m’annonce que je vais voir un docteur des yeux et me donne un goûter que je mange pendant le trajet. Ce jour-là, le docteur m’explique que je dois être opérée et qu’après je verrai mieux, ce qui va faciliter la vie à l’école. Je ne comprends pas de quoi il parle. Dans ma tête d’enfant, je pense que c’est plutôt mes oreilles qu’il faudrait réparer. Je ne comprends pas ce qu’ils veulent faire à mes yeux, mais ça me fait peur. Les semaines passent et les vacances arrivent. Un soir, je vois maman faire  une valise après m’avoir donné un bain. J’apprends que je rentre à la clinique le lendemain.

- Mais, je vais dormir où ?

- Tu seras dans une chambre avec une autre petite fille, me répond ma
   mère en me couchant.

- Ça va faire mal ?

- Non, tu vas dormir pendant l’opération.

- Je vais avoir peur la nuit….

- Mais non, tu seras avec quelqu’un. Et après tu verras mieux à l’école.

- Mais ce n’est pas mes yeux qui me gênent, je n’entends pas bien…

- Oui…. Je sais… Mais les yeux c’est aussi important. Allez, maintenant,
   il faut dormir.

Ma mère me fait un câlin et un bisou et reste quelques instants avec moi, le temps que je m’endorme. Mais ce soir-là, je suis tétanisée dans mon lit. Quand tout le monde est couché, je rallume ma lumière et m’assoit dans mon lit un immense sentiment de solitude sur les épaules. Quand maman me réveille le lendemain, ma lumière est éteinte. On a dû venir l’éteindre quand je me suis enfin endormie dans la nuit. Maman me fait déjeuner et m’habille. Si elle n’est pas au travail, c’est que c’est important. Mon frère n’est pas là, il est déjà à l’école. Il doit être tard. Je reste avec ma mère la matinée et mange avec elle et ma grand-mère le midi. Puis, elle m’emmène à la clinique située dans un château. Je n’aime pas l’endroit. Il y a des sœurs infirmières. On me met dans une chambre avec une autre petite fille qui dort encore car elle a été opérée de l’appendicite le matin même. Je suis terrifiée quand on vient me faire une prise de sang. Ça fait mal et maman m’avait dit que je n’aurais pas mal. Quand ma mère part, je ressens un énorme vide en moi. Un abandon encore plus fort que d’habitude. Dans mon lit, je regarde, par la fenêtre, le noir de la nuit qui tombe. Je voudrais partir, mais je sais que c’est impossible. Anne, l’autre petite fille s’est réveillée. Elle a mal et pleure un peu, ce qui me terrorise encore un peu plus. Une sœur vient m’apporter un plateau repas. Elle aide Anne à s’asseoir. Elle me gronde car je ne mange pas et vient me faire avaler quelques cuillères de soupe et de yaourt. Elle capitule quand je n’ouvre plus la bouche et que je me recroqueville dans mon lit. Je passe la nuit à regarder la lumière du couloir qui passe sous la porte de la chambre. Le lendemain matin on me donne un médicament et je tombe dans une sorte de brouillard pour aller au bloc opératoire.  Quand je me réveille, je panique et pleure. Je suis dans le noir et j’ai les mains attachées au lit. J’ai un bandeau sur les yeux et je ne peux pas bouger. Maman ne m’avait pas dit que je serais dans le noir et attachée au lit. J’appelle ma mère et crie. J’entends Anne me dire qu’elle a appelé l’infirmière qui arrive très rapidement.

- Il faut te calmer. Tu as un pansement sur les yeux pour que ton œil
  guérisse.
   Il ne faut pas l’enlever.

- Mais j’ai peur !!!

- Il ne faut pas.  Demain matin quand tu seras calmée, on te détachera
  les  mains, mais il faudra garder le pansement sur les yeux.

- …..

Je ne réponds pas. J’ai peur du noir. Je sens la peur grimper le long de mon dos
et je commence à trembler. Des bras m’entourent.

- Allons, allons, dit l’infirmière doucement, je suis là. Tu n’es pas seule
  dans la chambre. Il y a Anne dans l’autre lit. Tu peux parler avec elle.
  Je vais rester un peu avec toi.

- Je veux maman…

- Ta maman est venue te voir cet après-midi. Et elle est repartie à six
   heures. Elle reviendra demain.

- ….

Six heures ? Il doit être tard, alors. Je suis toute seule dans le noir. Je sens que l’infirmière me câline. Elle me chante une sorte de berceuse qui me calme un peu. Quand elle me laisse, je reste prostrée dans mon lit, la peur au ventre. Anne vient me prendre la main et me dit qu’elle va dormir. Le silence envahit la pièce. Un silence assourdissant. J’attends en tremblant que la nuit passe. Je sursaute plusieurs fois quand je sens une main sur moi. C’est une infirmière qui vient vérifier que je vais bien. Elle me dit à chaque fois que je dois dormir. Mais je ne dors pas. Quand, au matin, on m’apporte mon petit déjeuner, je refuse de manger. Je n’ai pas faim. L’infirmière capitule et me détache enfin. Je ne bouge pas. J’ai bien compris que si j’enlève mes pansements, on m’attachera à nouveau. Elle me lève pour m’emmener faire ma toilette. Je me laisse faire sans réaction. Quand elle me ramène à mon lit, je me recroqueville et ne bouge plus. Un peu plus tard, le médecin qui m’a opérée arrive.

- Alors jeune demoiselle, on ne mange pas et on ne parle pas ?

- …..

- Tu sais quoi ? Je dois vérifier tes yeux. Alors, tu vas pouvoir regarder
   quelques instants la chambre, Anne et Sœur Anne qui est avec moi
   ce matin.

- …..

Je sursaute quand je sens que des mains se posent sur moi. La lumière réapparait et une fois les pansements enlevés, je vois le médecin que maman m’avait emmenée voir après l’école. Je vois aussi la sœur infirmière qui s’est occupée de moi. Je me tourne vers Anne et lui dis bonjour.

- Ah, mais tu vois que tu parles, dit le chirurgien en nettoyant mes
  yeux. Aujourd’hui, on va devoir te remettre le pansement, mais il sera
  plus léger et si tu n’y touches pas, tu ne seras pas attachée.

- ….

Je me laisse faire comme détachée du réel et retourne dans le noir une fois le pansement remis en place. Je n’ai plus aucune notion du temps. Mon seul repère est mon changement de pansement le matin où on me laisse voir un peu pendant quelques minutes et l’arrivée de ma mère tous les soirs après son travail. Elle me fait manger le seul repas que j’accepte, me parle et me prend dans ses bras. Quand elle part, je suis effondrée, mais je ne pleure pas car on m’a répété que si je pleurais ça abimerait mes yeux et que je garderais le pansement plus longtemps. Un après-midi, Anne s’en va, elle est guérit. Sœur Anne me dit qu’une autre petite fille va arriver. Le lendemain, ma nouvelle colocataire est en salle d’opération quand on me change mes pansements.

- Tu vas être contente ! Ça cicatrise très bien, donc on ne va mette un pansement que sur ton œil gauche. Tu vas pouvoir voir à nouveau de l‘œil droit. Mais il faut manger, sinon tu ne retrouveras pas tes forces, me dit le médecin en souriant. On t’enlèvera ta perfusion quand tu auras repris un peu de poids.

Sur le moment, je ne comprends pas ce qu’il dit. Mais je comprends que si je veux sortir d’ici, je dois manger. Le fait de voir d’un œil change ma vie. L’appétit revient et les sœurs infirmières me félicitent. Maman m’a pris la télé. Elle est loin de mon lit, alors je n’entends pas, mais je regarde les images tous les après–midi. Je peux discuter avec ma nouvelle colocataire qui se prénom Aline, comme mon amie. Quand maman arrive ce jour-là, elle semble soulagée. La sœur infirmière lui a dit que je mangeais mieux et que je pourrais bientôt rentrer chez moi.  Quelques jours plus tard, je rentre à la maison. J’ai de nouvelles lunettes avec un verre gauche opacifié pour que mon œil se repose. J’ai beaucoup manqué l’école et maman doit m’expliquer les leçons pendant ma convalescence.  Je retourne à l’école deux semaines plus tard.

 

1977 - Retour en enfer…

Mon retour à la vie normale n’est pas une sinécure. Ma grand-mère devait croire que je n’aurais plus peur de dormir seule dans ma chambre, après mon séjour en clinique, mais les bruits sont toujours là. Ma mère étant fatiguée, elle demande à ma grand-mère de me prendre avec elle dans son lit. Voulant éviter d’être moquée, je reste longtemps assise dans le noir, terrifiée par les bruits que j’entends. Ce n’est que lorsque je n’en peux plus que je vais voir ma mère ou ma grand-mère, à contre cœur. Et ça ne loupe pas, les lendemains matins sont synonymes de moqueries et méchancetés à mon encontre. Ma grand-mère ne manque pas une occasion de me faire culpabiliser en me disant que je fatigue ma mère. Que si elle se retrouve au cimetière, il ne faudra pas que je vienne pleurer. Ces mots sont terribles pour moi du haut de mes sept ans.  Je passe des nuits entières dans le couloir, assise et terrifiée, à attendre que le jour arrive. Dès que je vois que quelqu’un se lève, je retourne dans mon lit, la lumière provenant de la salle de bain et de la cuisine me rassurant. Je m’endors enfin pour une heure. Quand on me tire du sommeil, j’ai du mal à émerger. Je suis très fatiguée et personne ne comprend pourquoi. Ma grand-mère suggère que l’on me couche plus tôt. Je sais que ça ne changera pas le problème. Passer de 8h30 à 7h30 ne chassera pas les bruits pour autant. Mais ma mère écoute la sienne. Je suis très fatiguée et n’arrive plus vraiment à suivre en classe, surtout les lendemains de nuit blanche. Le printemps arrive vite et ma grand-mère annonce son départ. Je vais retourner en enfer chez la sorcière et ce, dès la fin des vacances de Pâques. Un après-midi à la fin de l’école, je ne la vois pas sur le pas de porte de sa cuisine qui donne en face de l’école. Je traverse la rue et frappe chez elle. Personne ne vient m’ouvrir. Je rentrerais bien chez moi où mon frère est déjà, mais je sais que maman serait en colère. Je pousse la porte et je ne la vois pas non plus dans la cuisine. Ne sachant pas quoi faire, je me dirige vers la porte qui donne dans le salon et là, surprise, je trouve ma nourrice et son mari, nus, dans le canapé déplié. Céline n’est pas là. Muette de stupeur, je reste sans bouger jusqu’à ce que Mr Card* me hurle de repartir dans la cuisine, ce que je fais illico. Quelques instants plus tard, ma nourrice entre dans la pièce et me gifle très fort d’un aller et retour en me traitant de voyeuse !

- Mais…

- … Mais quoi ? Tu ne pouvais pas attendre ici ? Tu ne pouvais pas dire
   que tu étais là ?

- Mais j’ai frappé !

- Mais oui, c’est ça ! Pour la peine, tu n’auras pas de goûter ! Et
   ne t’avise pas
  de parler de ça à tes parents, sinon je leur expliquerai que tu es une
  fouineuse et voyeuse et ça m’étonnerait que tu ne sois pas punie !
  Tu as compris ? Termine-t-elle, la main levée.

- Oui…

Je m’assois et sors mes devoirs. Je n’ai pas de goûter alors que j’ai faim et surtout très soif. Je tremble de partout, ce qui a  l’air d’amuser ma nourrice. Je ne comprends pas ce que j’ai fait de mal. J’ai mal à la tête et je sens encore la chaleur de la gifle. Quand ma mère vient me chercher vers 18h00, je ne dis rien. Elle ne me croirait pas et mon enfer deviendrait encore plus terrible.

 

 

 

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