7 Juin 2020
Bonjour à tous ! Aujourd’hui on se retrouve pour trois autres petits chapitres de mon carnet de vie. Je vous souhaite une bonne lecture.
Chapt 8 – Automne 1976 : Une nouvelle expérience…
Ce matin de rentrée d’automne, contre toute attente, l’institutrice des autres classes, vient chercher quelques élèves de CP pour les prendre avec elle et compléter sa classe. Aline, Corinne et moi faisons partie du lot. Et c’est ainsi que je traverse la cours pour rejoindre la grande maison où l’instituteur et sa femme font cours au plus grands. Mme Grann*, est une femme très douce, même si elle sait tenir sa classe regroupant 3 niveaux, CP, CE1 et CE2. Je ressens tout de suite le changement d’atmosphère. Là aussi, je suis devant, face au tableau, mais avec Aline à mes côtés. Ma boule au ventre part d’elle-même quand je m’aperçois qu’il n’y a plus de baguette et qu’on ne me crie pas dessus quand je ne comprends pas. Cependant, tous les soirs, ma mère et mon frère, de trois ans mon ainé, m’aident à comprendre mes cours, surtout les mathématiques, qui pour moi sont très compliquées. Si je comprends une simple addition, en revanche je ne comprends pas l’histoire des dizaines, centaines et autres. Voyant cela, ma mère trouve l’idée des pommes de terre. Comme chaque année, mon père avait acheté 10 kg de pommes de terre chez un cultivateur et avait mis le sac à la cave. Un soir, je vois ma mère remonter de la cave avec un panier d’osier rempli de pommes de terre. Elle dispose du papier journal sur la table afin de ne pas la salir avec la terre des pommes de terre et fait des groupes. Elle m’explique visuellement ce que sont une dizaine, une vingtaine, puis, sur un papier, elle m’explique jusqu’à cinquante. Elle me fait faire des additions simples en me servant des pommes de terre et en m’écrivant les opérations sur le papier. Le fait de voir un visuel plus l’opération me permet de comprendre le principe des additions et des dizaines ainsi que des ensembles. Cela me facilite grandement la vie jusqu’aux vacances de noël. Le dernier jour d’école, j’attends ma mère comme d’habitude chez ma nourrice assise sur une chaise. Sa fille Céline trouve drôle de me frapper au visage, plusieurs fois, avec un marteau en plastique, sous les yeux de mon frère qui essaie alors de me défendre. Mme Card* le prend très mal car Christian me défend en donnant les mêmes coups à Céline. Elle crie après nous. Mon frère la menace alors de tout dire à ma mère, ce qui la calme un peu. Une fois rentrés à la maison, Christian demande à ma mère s’il peut revenir à l’appartement après l’école vu qu’il va avoir 10 ans, est en CM1 et que Mme Card*est méchante avec nous. Ma mère comprend alors que ce que je disais était vrai. Si elle accepte de retirer mon frère de chez la nourrice, elle refuse pour moi, me disant que je suis trop petite pour que mon frère me surveille et qu’il me faut la présence d’un adulte pour prendre soin de moi. J’ai un énorme sentiment d’injustice. Mon frère est débarrassé de la sorcière, comme je l’appelle, mais pas moi.
- De toutes façons, vous êtes en vacances, alors ne pensez plus à ça pour
l’instant et profitez de votre temps libre. Votre grand-mère est arrivée
tout à l’heure. Elle sera avec vous et pourra vous surveiller jusqu’au
mois d’avril. Ensuite, je réfléchirai pour Mme Card*.
Je suis ravie ! Trois mois sans voir la sorcière. J’avais oublié que ma grand-mère venait comme chaque année passer l’hiver et restait jusqu’à pâques.
Chap 9 – Noël 1976 : Mes terreurs nocturnes…
Je commence donc mes vacances de Noël le cœur léger. Ce n’est pas tant que j’aime beaucoup ma grand-mère, mais c’est toujours mieux que la sorcière. Notre grand-mère maternelle vient souvent passer plusieurs semaines chez nous chaque hiver. Elle ne m’aime pas autant que mon frère qu’elle idolâtre. Plus âgé de trois ans, mon frère, Christian, est le petit Roi de la famille à sa naissance. Quand je suis née, il a dû apprendre à attendre son tour et à partager, ce qui a été très compliqué pour lui. Dès le plus jeune âge, j’ai le souvenir d’une grand-mère aux mots parfois blessants à mon encontre. Je suis le vilain petit canard et il est le petit ange !Ma mère n’a jamais crié sur les toits que je suis malentendante. Mais cela se sait dans la famille. Et lorsque je suis rentrée à l’école, j’ai tout de suite compris que mon frère était le « génie » de la famille alors que moi je « n’avais pas les capacités », « je ne comprenais jamais rien ». Influencé par ma grand-mère maternelle, mon frère a souvent envers moi, les mêmes remarques blessantes et les mêmes comportements que ma grand-mère. Quand ma mère lui demande de m’aider pour mes devoirs, il le fait gentiment parce qu’elle est avec nous, mais si j’ai des difficultés à comprendre, il lui arrive de faire des remarques blessantes que ma mère n’entend pas toujours. Il est malheureusement conditionné à formuler des réflexions dont il ne comprend pas, lui-même, la portée pour son âge. C’est à ce Noël 1976 qu’un autre problème que je ne comprends pas vient ruiner mes nuits et amplifier les remarques désagréables de ma grand-mère et de mon entourage. Depuis quelques mois déjà, il m’arrive d’avoir du mal à m’endormir le soir et j’ai terriblement peur de dormir seule dans ma chambre. Mais la veille de Noël, alors que je suis couchée et que ma mère a éteint la lumière, j’entends des bruits, des crissements, comme si quelqu’un était dans ma chambre ou dehors sous ma fenêtre, des sifflements et des frottements. C’est intermittent. Ҫa part et ça revient. Je suis terrorisée. Je garde ma lampe de chevet allumée jusqu’à ce que je m’endorme. Je fête Noël avec ma famille. Mon oncle, le frère de ma mère est venu avec sa femme. Si je suis heureuse de mes cadeaux, ces festivités sont un peu gâchées par des réflexions de ma grand-mère et ma peur de dormir seule dans ma chambre. Toute la famille trouve à redire sur ça, mais il n’y en a pas un qui réfléchit pour se demander pourquoi ça m’arrive. Les jours suivants, ma grand-mère continue chaque matin à me dénigrer et parle de suite de comédie, qu’il ne faut pas me céder etc…. Elle me traite de bébé, de capricieuse, mon frère suit pour lui plaire et sans se rendre compte que j'en souffre. C’est terrible pour moi qui vis dans la terreur quasiment chaque nuit. Les soirs où les bruits sont là, j’attends que tout le monde dorme et je vais m’allonger au bas du lit de mes parents. Quand ma mère se réveille et me voit au sol dans le froid, elle me fait monter auprès d’elle et seulement là, je trouve une sécurité qui me permet de m’endormir. Je ne comprends pas pourquoi certaines nuits et pas d’autres dès que je me retrouve dans le noir, j’ai l’impression que quelqu’un est dans ma chambre, marche à l’extérieur devant ma fenêtre ou dans l’appartement. Dans ces moments-là, je sens la peur monter le long de mon dos, comme une sorte d’électricité qui monte à mes poumons et m’empêche de respirer. Les larmes arrivent à mes yeux et je tremble de tout mon corps. Il y a des nuits où j’arrive à rester dans mon lit, sans dormir, guettant le moindre bruit, la moindre présence éventuelle. Le lendemain, je suis très fatiguée, donc sur les nerfs, ce que mon entourage ne comprends pas. Je me sens rejetée, incomprise et mal aimée.
Chap 10 – Janvier 1977 : Le concept abstrait des mathématiques dans une compréhension visuelle….
Les vacances terminées, je reprends l’école en ce mois de Janvier 1977. Je suis très fatiguée et j’ai du mal à suivre en classe. Comme beaucoup de malentendants, je suis visuelle dans la compréhension de mon environnement et pour mon apprentissage. Il m’est donc compliqué de suivre et comprendre des explications orales. Quand, en plus, je n’ai pas dormi la nuit précédente, rongée par la peur des bruits, j’ai tendance à m’assoupir légèrement. Ayant compris le système de lecture, je m’en sors plutôt bien pour tout ce qui a trait à l’écrit et à la lecture, mais je galère en mathématiques car il n’y a pas d’explications visuelles à l’époque, ni dans les livres, ni dans le matériel de l’institutrice, à part des sortes de dés qu’elle distribue pour nous apprendre les ensembles, ce que j’ai pu comprendre grâce à ma mère. Comme elle donne ses explications au tableau et à l’oral, je n’entends pas et donc ne comprends pas. Tous les soirs, ma mère prend mon cahier de mathématiques et m’explique la leçon du jour. Mais si j’ai compris les additions et les soustractions, les autres opérations et leurs retenues sont du charabia passé le chiffre 10. Je n’arrive pas à me représenter une opération mathématique sans sa représentation visuelle. Ma grand-mère ne rate pas une occasion pour lâcher des remarques blessantes comme « Hé bien, elle sera un boulet toute sa vie » ou encore « qu’est-ce que vous allez bien pouvoir en faire ? ». Ma mère ne répond pas. Elle a cette éducation à l’ancienne et ce respect des ascendants qui lui dicte sa conduite. Mais, elle me sourit et continue inlassablement de tenter de m’expliquer. De mon côté, je me sens terriblement stupide et mal aimé par ma famille. A part ma mère qui m’aide, j’ai l’impression que le reste de ma famille ne m’aime pas, l’impression d’être cet animal malade qu’il aurait fallu tuer à la naissance car handicapé donc trop faible pour mériter de vivre. Je me sens terriblement seule dans ma vie d’enfant.
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