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Ma vie entre deux mondes

Malentendante, je joue du piano....

Foeby Anne
Foeby Anne

Hé oui, là aussi, dans un premier temps, les gens ont toujours du mal à le croire et pourtant.

J’ai commencé à jouer du piano à 6 ans après voir demandé à mes parents parce que mon frère jouait d’un instrument. Ma mère s’est donc renseignée auprès du professeur de mon frère qui a accepté. Je jouais sur un piano ancien (assez fort) et non sur un numérique dont le son aurait été problématique. Déjà à l’époque c’est l’oreille gauche qui me posait problème. Entendant mal de ce côté mon cerveau avait une nette tendance exaspérante à occulter les notes de la main gauche et j’avais un mal fou à me souvenir de la Clé de Fa (notes de la main gauche). Pour palier à ce problème, j’apprenais les notes de la main gauche par cœur et je notais chaque première note de chaque mesure au-dessus de la note en clé de sol (main droite) se trouvant pile au-dessus. Ca me permettait d’avoir un rappel.

J’avais treize ans quand ma professeur de musique est décédée d’une crise cardiaque. Comme nous vivions dans un village, j’ai dû arrêter faute d’enseignant. Je n’ai repris le piano qu’il y a deux ans. Forcément, c’est encore plus compliqué, mon audition ayant fortement baissée ! De ce fait, j’ai dû trouver des astuces.

  • Un clavier numérique…

La première astuce est ne pas avoir racheter de piano acoustique, mais d’avoir pris un synthétiseur (un clavier) à 5 octaves et de brancher un casque dont je mets le son à fond !

  • Écouter mon professeur….

Afin de bien avoir le morceau en tête, son rythme et ses nuances, mon professeur me le joue toujours deux fois avant de commencer à regarder la partition. Je visualise la position des mains et leur mouvement. Quand je prends mes leçons, je porte mes appareils car le piano est un piano acoustique, il n’y a donc pas de casque. Il m’arrive d’aller à mes leçons sans appareil quand j’ai une otite. Et dans ce cas, je joue de tête, sans vraiment entendre. C’est étrange, ça épate mon professeur, mais apparemment je ne fais pas de fautes quand je connais bien le morceau.

  • Une partition bien annotée...

La seconde astuce est d’annoter la partition. Certains me diront que c’est criminel, que cela ne se fait pas, que c’est comme pour un livre, on n‘écrit pas dessus. On nous a d’ailleurs appris, enfant, que les gens biens n’écrivaient pas sur les livres. Sur une partition, c’est fort différent ! Devant un roman, nous sommes spectateur alors que devant une partition nous sommes acteur ! L’interprétation sera unique, en fonction des annotations écrites. Personnellement, j’y annote comme dans mon enfance la première note de la première mesure en clé de fa comme repère. Ensuite j’y annote :

- les doigtés difficiles (pas tous les doigtés, sinon cela devient illisible et inutile),

- les indications de pédale : parfois la façon de jouer avec la pédale est assez évidente, mais ce n’est pas toujours le cas,

- les mises en évidence (entourées, fluorées) de passage difficiles, de nuances, … afin d’attirer l’attention dessus.

- les passages difficiles que je répète en exercices (deux mesures par ci, quatre mesures par là) pour travailler le morceau.

  • Alterner jeu rapide et jeu lent…

En général, je n’arrive à retenir un morceau que si j’apprends certains passage par cœur et pour cela je joue les passages les plus difficiles assez lentement plusieurs fois de suite. Quand je vois que mon jeu est plus fluide, je les joue à vitesse normale. Mais il faut faire attention à retrouver la bonne vitesse quand on le joue normalement car le cerveau est moins habitué, de ce fait. Donc, j’essaie toujours de jouer le morceau normalement et je termine toujours par travailler quelques passages lentement car cela me permet de « remettre les choses en place » (les bonnes notes au bon endroit et bon moment). De plus, malgré ce qu’on pourrait penser, jouer lentement sans erreur n’est pas facile tant que l’on ne maîtrise pas totalement le passage (techniquement et musicalement). C’est donc un bon moyen de vérifier la connaissance du morceau. Cependant il faut veiller à maintenir les mêmes mouvements que pour le jeu rapide pour ne pas perdre la capacité de jouer rapidement. En général je joue à environ la moitié du tempo voulu (en suivant mon métronome).

  • Penser la musique…

Mon professeur me répète sans cesse (et elle a raison) qu’il est important quand on joue lentement de penser la musique en avance. En jouant rapidement, on a tendance à courir derrière la musique et cela peut devenir une (mauvaise) habitude. On perd ainsi la maîtrise. Je suis donc ses indications et essaie toujours, quand je joue lentement, d’anticiper mentalement et de garder cette avance quand je rejoue à vitesse normale.

  • Et surtout …..

Je joue pour moi. Je ne cherche pas à jouer à la perfection. Je joue pour le plaisir d’entendre la musique. Il m’arrive parfois de jouer un morceau plus lentement qu’il ne faudrait car sinon je fais des erreurs. Cela ne me gêne pas, je ne vise pas le conservatoire ! Dernièrement, j’ai remarqué que je n’arrivais plus à intégrer la main gauche à un morceau. Et suite à un rendez-vous ORL, j’ai appris que mon oreille gauche était quasi silencieuse, raison pour laquelle mon cerveau n’entend pas les sons à gauche et donc, ne s’en souvient pas. J’ai à nouveau arrêté le piano car je passais du temps à essayer de jouer sans pouvoir coordonner mes deux mains, mon cerveau occultant complètement la main gauche. Je joue de tête les morceaux que je connais, mais je n’en apprends plus de nouveaux pour l’instant. Bref, je préfère faire un break en attendant que le progrès de la technologie m’offre la possibilité de ré entendre (sans implant). Ce ne sera peut-être jamais, mais je garde en moi le souvenir des notes, des mélodies et de la gentillesse de mon dernier professeur (très patiente et compréhensive) qui a su me faire gagner mon challenge : Jouer du piano avant de tomber dans le silence. Merci à elle.

Foeby Anne / Ma vie entre deux mondes / Facebook : Foeby Anne / Maman Malentendante / Malentendante, je joue du piano

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C
Beethoven, il a bien continué à jouer de la musique en étant sourd! Je me demande d'ailleurs comment il s' y prenait.<br /> Moi je joue de l'orgue, et un moment j'ai joué de l'harmonica en autodidacte, mais j'ai arrêté.
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F
Le principal est que vous trouviez du plaisir à jouer ???? Moi j'ai dû arrêter le piano pour l'instant car je n'entends plus les sons à gauche et du coup, je n'arrive plus à coordonner les sons. Mais bon, ce n'est pas grave, j'ai pris beaucoup de plaisir à jouer toutes ces années. Merci de votre passage sur le blog ????
M
Très bel article ! Beau challenge que d'avoir joué du piano ! Je suis admirative.. Je joue moi aussi de la musique (de la flûte traversière) et même si je suis entendante, j'annote mes partitions. J'entoure les passages difficiles pour mieux les retravailler après, je note les endroits où je dois respirer pour éviter d'hacher le morceau etc... <br /> Dans ma jeunesse, j'ai joué du piano et la main gauche même en tant qu'entendante, c'est une vraie plaie avec la clé de fa. C'est aussi un peu pour cela que j'ai rebondi sur la flûte où l'on ne joue qu'en clé de sol (beaucoup plus intuitive pour moi).<br /> Tes prof ont été formidables et rendons aussi un hommage à tous les prof de musique (qui doivent parfois avoir mal aux oreilles avec toutes nos fausses notes) mais qui ont une patience d'ange..<br /> Bonne journée<br /> Au plaisir de te lire<br /> Elisabeth
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F
Bonjour Elisabeth. Oui je confirme que la main gauche est une plaie !!! En effet, j'ai eu la chance d'avoir eut deux professeurs géniales et très patientes. Elles, ont en effet, du entendre beaucoup d'erreurs ! Merci de tes compliments ;-)