25 Février 2016
Comme vous le savez, je suis une maman malentendante. Née entendante à 90% environ, j’ai très vite perdu l’audition dans les deux ans qui ont suivis. Cela me permet de parler normalement. J’ai ce qu’on appelle une surdité de perception. Les surdités neurosensorielles (surdités de perception) sont dues au dysfonctionnement de l’oreille interne (cochlée) et traduisent généralement des lésions des cellules ciliées ou du nerf auditif. La conséquence est plus importante car les sons ne sont plus différenciés, il y a donc incompréhension des mots que se soit sur les graves ou les aigues. Quand j’ai eu ma fille, il y a presque sept ans, maintenant, je n’entendais plus qu’à 10 %. C’était bas, j’avais surtout des difficultés à comprendre les mots et à entendre les voix graves.
Les conséquences en tant que maman n’ont pas été faciles à gérer. Je n’entendais pas ma fille la nuit quand elle pleurait. A la maternité, les infirmières la gardaient avec elles la nuit (Cf mon article « Avoir un bébé quand on est malentendante ») et à la maison c’est mon mari qui me réveillait quand elle pleurait.
Quand on est malentendante, on a toujours peur de ne pas « entendre » son bébé pleurer. Ma première astuce a donc été d’acheter un baby phone caméra vibreur. J’avais deux émetteurs pour un récepteur (écran, vibreur, lumineux et son). Jusqu’à 3 mois ma fille était toujours à côté de moi dans un couffin. Comme ça je la surveillais en direct. De trois mois à six mois elle faisait ses siestes dans notre bureau où était disposé l’un des émetteurs du baby phone et dormait la nuit dans sa chambre où l’autre émetteur était. Quand elle était réveillée, elle était soit dans mes bras, soit dans un transat Doomoo avec au-dessus d’elle un portique de hochets dont plusieurs étaient sonore ou chantants. Je lui parlais beaucoup. Il est vrai que je parle normalement. Mais pour une maman sourde de naissance, il suffit de mettre la télé pour que bébé entende parler et aussi de mettre son enfant en crèche ou halte garderie une demi journée. C’est ce que j’ai fait bien que je parle normalement. Ma fille allait en halte garderie soit le matin soit l’après-midi (j’avais la chance de pouvoir adapter mon emploi du temps car je travaillais à mon compte). Elle était ainsi avec d’autres enfants, entendait pleins de chansons et de bruits. La séparation fut difficile et étalée sur plusieurs semaines car elle pleurait beaucoup à cause de son angoisse de séparation liée à son expérience de la maternité.
Très tôt, elle se mit debout pour tenter de bouger. A six mois, elle nous a cassé deux trotteurs. Son jeu favori était de s’élancer très vite vers le mur en face d’elle. Elle trouvait ça très drôle. Mais du coup, se posait à moi la difficulté de savoir où elle était, le rez-de-chaussée de la maison étant un espace ouvert (j’avais fermé les escaliers avec une barrière de sécurité). Je décidais donc de travailler sur mon ordinateur portable plutôt que sur le fixe du bureau afin de me placer à la table de la salle à manger d’où j’avais une vue générale de l’espace.
Vers 10 mois, ma fille allât chez une nounou qui était la maison à côté de la notre (très pratique à gérer !!). Là aussi les débuts furent difficiles et pour la séparation nous avons dû procéder par plusieurs étapes. Mais ça a bien fonctionné et ma fille se trouvait avec 3 enfants (de 4 ans à 13 ans) et elle s’est beaucoup dégourdie.
Comme le « 4 pattes » était pour elle synonyme de « visiter tous les recoins de la maison », je descendais, pour la journée, l’émetteur du baby phone de sa chambre que je plaçais stratégiquement par rapport au deuxième afin d’avoir une vision de tout le rez-de-chaussée depuis mon récepteur afin de toujours savoir où elle était et ce qu’elle faisait. Déjà à cet âge, elle venait vers moi pour me demander les bras ou me montrer « les trésors » qu’elle avait trouvé ici ou là (c’est pas croyable ce que les tous petits peuvent être doués pour trouver des objets minuscules que même votre aspirateur a loupé).
A un an, ma fille a marché. Cette petite demoiselle avait déjà un fort esprit d’indépendance !! Quand elle n’était pas chez la nounou ou chez ses grands-parents, il nous fallait la surveiller comme l’huile sur le feu ! Comme je voulais la canaliser un peu, j’ai vendu le parc en bois (qu’elle escaladait pour en sortir) pour acheter un tapis de sol que je plaçais devant son coffre à jouets (dans le salon) ce qui lui permit de jouer en étant avec nous.
A deux ans, elle se passionna pour la télé. Elle adorait Dora, les télétubbies et les chaines Disney. Elle parla d’ailleurs quelques jours après son second anniversaire et depuis, elle est restée un vrai petit moulin à paroles !! Le fait d’être dans la même pièce qu’elle quand elle jouait la rassurait. Nous avons d’ailleurs, au quotidien, une relation assez fusionnelle faite de câlins, bisous, berceuses et petits jeux. Concernant les berceuses, je les lui chantais tous les soirs avant de dormir (elle me les réclame toujours !). J’en ai appris 4 en mettant un casque et en les écoutant sur le web. Sinon, je mettais une veilleuse chantante. Elle a toujours su que ce n’était pas la peine de m’appeler. Dès qu’elle a su marcher elle est toujours venue me voir pour me parler ou me montrer quelque chose.
A trois ans, elle fit son entrée à l’école maternelle. Mis à part la séparation qui fut, là aussi, terrible (ma fille vomissait tous les matins) tout se passa bien. Le matin, elle allait à l’école et l’après-midi chez la nounou.
Aujourd’hui, à six ans, c’est une petite fille qui s’exprime très bien et très indépendante qui semble avoir des capacités d’acquisition. Elle est visuelle, regarde tout et demande des explications, pose des questions. En un trimestre de CP la lecture n’avait plus de secret pour elle. Elle se débrouille vraiment bien et adore les maths ! Elle répond au téléphone, me dit quand il sonne, idem pour la sonnette de la porte. Elle règle le son du téléviseur à son niveau sonore à elle et répète ce que je n’ai pas compris.
J’ai toujours fait en sorte que mon handicap ne se répercute pas sur ma fille. Quand elle invite une copine à jouer et/ou dormir à la maison, je les laisse entre filles. Je sais que ma fille viendra me voir s’il y a un problème ou si elles ont besoin de quelque chose. Je préviens toujours la maman que je suis malentendante. Pour l’instant ça n’a pas posé de souci. Pendant les goûters ou repas je me mets en face d’elles pour lire sur les lèvres (je mets mes appareils en plus), mais je les laisse discuter entre elles.
Voilà mon expérience de maman. Je pense qu’il ne faut pas se poser trop de questions. Il faut laisser faire les choses. L’enfant s’adapte très vite et sait très tôt comment communiquer avec un parent malentendant. Le tout est de ne pas le laisser dans un milieu sans stimulations sonores ou visuelles et de ne pas faire peser sur lui le poids du handicap. Dernièrement, j'ai commencé à apprendre le langage des signes. Cela amuse beaucoup ma fille qui me demande des mots de temps en temps. Cela reste un jeu pour elle, mais récemment, un soir, elle m'a dit "tu sais maman, comme tu es sourde, je vais apprendre le langage des signes aussi comme ça, tu pourras toujours parler avec quelqu'un qui te comprends et puis on pourra se dire tous nos secrets, personne comprendra !!". Cela m'a beaucoup touchée. Et quand je vois l'amour dans ses yeux, je me dis que je ne dois pas si mal que ça comme maman !
Foeby Anne / Ma vie entre deux mondes / Facebook : Foeby Anne / Maman Malentendante, mon expérience
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