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Ma vie entre deux mondes

Chronique de ma surdité #18 – Ça vous dirai de lire la suite ?

Je ne suis pas écrivain, c’est vrai. Je ne suis pas journaliste non plus. Mais j’avais envie de partager mon enfance de malentendante. Une enfance des années 1970. Une enfance où internet n’existait pas et l’accès à l’information était compliqué. Une enfance où les valeurs n’étaient pas celles d’aujourd’hui. Mon enfance qui a été difficile à cause du comportement totalement inadapté des adultes. Une enfance, qui aujourd’hui, serait complétement différente. Je vous mets donc, ci-dessous, le premier chapitre de mon carnet de vie « malentendante à l’école » que je suis en train de terminer. Je voudrais le publier, mais y a-t-il seulement un public pour ce style de témoignage ? A vous de me dire ce que vous en pensez en commentaire ou sur mes réseaux. Bonne lecture….

 

 

  1. Quand l’incompétence frise la stupidité…

              J’ai failli ne pas l’entendre. J’étais concentrée. Je jouais. Je me pensais toute seule dans ma chambre, au milieu de mes jouets. Assise face à la fenêtre à travers de laquelle le soleil m’éclaire de ses rayons, je tourne le dos à la porte de la pièce. Je vois d’abord un pied chaussé d’un chausson rouge, puis levant la tête, une jolie jeune femme brune d’à peine trente ans, ma mère. Elle se baisse à ma hauteur et pose doucement sa main sur ma jambe, tout en me souriant.

- Fabienne, il faut venir manger…. Il est midi, ma chérie. Tu ne m’as pas entendu t’appeler ?

-Non…

            Ma mère me tend la main pour me faire signe de la suivre, ce que je fais après m’être levée. Je ne le sais pas encore, mais c’est les débuts de ma perte d’audition. J’ai deux ans et quelques mois et je n’ai pas entendu ma mère m’appeler du couloir de l’appartement dans lequel nous vivons. Un appartement de 4 pièces avec cuisine et salle de bain qui ne doit pas faire plus de 70 m². Pour l’époque, c’est un logement moderne faisant parti d’un bâtiment en comprenant quatre. Mon père est gendarme et nous venons juste d’arriver quelques semaines auparavant. Comme tous les militaires, il est muté tous les trois ans ou moins sur demande. Je suis née à Nancy en Lorraine. Mais le climat ne me réussissait pas et je dépérissais à vue d’œil à cause de la pollution. Le médecin avait donc recommandé à mes parents de partir et c’est comme ça que mon père a été muté en Normandie, dans un petit village du Vexin, chef-lieu de canton où se trouve la gendarmerie.

              Un village d’à peine 700 habitants, donc en pleine campagne. Et en 1972, pour trouver un ORL en pleine campagne, c’est comme si on cherche un mouton bicolore dans toute une bergerie ! C’est pourtant ce que fait ma mère quand elle se doute que j’ai le même problème que sa propre grand-mère, mon arrière-grand-mère, qui avait perdu l’audition à 30 ans après avoir passé des années avec un sonotone car elle entendait mal.

J’ai trois ans quand je vois pour la première fois un ORL très âgé. Ma mère me dira plus tard qu’il était l’archétype même du vieux médecin buté sur ses acquis avec trente ans de retard ! Son bureau est en boiseries sombres (probablement la mode d’après-guerre), il est vieux car il me fait l’effet d‘être « tout fripé » ! Et surtout il me fait peur tant il est glacial et hautain avec ma mère quand elle lui parle de sa propre grand-mère sourde.

-La surdité n’est pas forcément héréditaire, madame, lui répond-t-il sèchement
 l’air de dire laissez  la médecine aux médecins.

          Ma mère ne dit mot et me place sur ces genoux quand il le lui demande pour m’examiner. Je me trouve face à un monstre qui me terrorise avec son bandeau autour de la tête avec un miroir réfléchissant la lumière qu’il y a au milieu. Il regarde dans chacune de mes oreilles, me demande si je l’entends, ce à quoi je réponds oui vu qu’il est à 20 cm de moi et annonce à ma mère que je ne suis pas sourde. Ma mère paie et nous sortons sans être plus avancées. Dans la rue, nous retrouvons mon père et mon frère, de trois ans mon aîné, qui nous attendaient dans la voiture, et rentrons à la maison. Je vois bien que mes parents sont énervés. Ils parlent vivement. Ma mère ne semble pas décolérer d’avoir eu affaire à un « vieux schnok » buté.

 

2 - La rentrée en maternelle…    

     Les années passent et me voilà deux ans et demi plus tard sur le point de faire ma rentrée en maternelle dans l’école de mon village. J’ai 5 ans et demi. Maman me réveille  et me lève. Elle est déjà habillée tout comme mon frère ainé. Je n’ai pas l’habitude et ça m’effraie un peu. Je sens que ma journée va être différente. Une fois mon bol de lait avalé, maman m’aide à m’habiller dans ma chambre, puis elle m’emmène dans la salle de bain pour me brosser les dents et me coiffer. Mais ses gestes vifs me font mal car j’ai beaucoup de nœuds dans mes longs cheveux blonds. Il faut faire vite et moi je n’aime pas ça. Si c’est ça l’école, s’énerver, faire vite, ça ne va pas me plaire c’est certain. Et puis, je vais quitter ma mère alors que d’habitude, je passe mes journées avec elle. Je lui demande un câlin et me blottit dans ses bras.

- Ne t’en fais pas, me rassure-t-elle. Tu vas te faire plein d’amies et tu vas
  apprendre des tas  de choses, termine-t-elle en me faisant un bisou avant
  de me mettre un gilet par-dessus ma   blouse d’écolière.

          Dans la rue, je tiens fermement la main de ma mère, tandis que mon frère marche devant nous. Nous n’avons pas loin à aller. Une fois le portillon en fer de la gendarmerie refermé, l’école est en face sur l’autre trottoir, à environ 30 mètres. Une école en pierre, de style fin 19ème, où se trouve aussi, du côté rue, la Mairie dans la partie gauche du bâtiment et le logement de l’instituteur dans la partie droite tandis que les classes sont, elles, à l’arrière du bâtiment côté court. Il y a beaucoup de monde et je n’aime pas ça. Mon frère est déjà parti avec ses copains dans la cours tandis que maman m’emmène vers un bâtiment étrange qu’elle appelle « pré fabriqué » auquel on accède en montant 3 marches de ciment qui mènent à un petit couloir avec des porte-manteaux. Il y a beaucoup de bruit, beaucoup d’enfants et une dame que maman me présente comme l’institutrice, Mademoiselle Hervette. Une femme brune, début de la trentaine, austère, plutôt enrobée, avec des cheveux longs et bruns qu’elle attache avec une barrette de cuir. Maman me fait un bisou et me dit d’aller vers le fond de la classe avec d’autres enfants. Je la regarde partir en me demandant pourquoi elle me laisse là, pourquoi elle m’abandonne. Je me tiens debout à côté d’une petite fille blonde aux cheveux courts et sursaute quand l’institutrice tape dans ses mains pour demander le silence. Elle se tourne vers notre groupe et nous demande de nous asseoir, ce que nous faisons tandis qu’elle place les enfants de l’autre classe, les CP. Je ne comprends pas ce que je fais là et ce que je dois faire. Je reste assise totalement perdue. Je vois l’institutrice donner un cahier aux CP en leur demandant de dessiner leur plus beau souvenir de vacances. Puis elle vient vers nous, se place debout sur l’estrade qui nous fait face, une règle à la main et fait l’appel. A notre nom, je comprends que je dois lever la main. Avec sa règle, elle nous montre le bureau qu’elle nous a attribué. Je me retrouve assise avec la petite fille blonde auprès de laquelle j’’étais debout. Elle s’appelle Aline et semble aussi terrorisée que moi. L’institutrice parle fort et avec un ton sévère, en ponctuant chaque phrase avec un mouvement de sa baguette.

- Vous êtes en maternelle. Vous allez apprendre à écouter et réaliser
   une consigne. Apprendre à     dessiner proprement et à suivre ou
   reproduire des traits, des dessins, des lettres.  Je ne tolèrerai aucun
  bruit quand je ferai cours aux CP et que vous jouerez dans le coin jeu
  qui se trouve derrière vous. Si vous voulez parler, vous levez la main.
  Sinon, vous vous taisez ! Et quand je vous donne un travail,
  vous le faites en silence ! C’est compris ?  Termine-t-elle en  tapant
  sa baguette dans son autre main.
- Oui, je réponds timidement à l’unisson des autres.
- Bien, maintenant je vais vous donner de la pâte à modeler et une plaque.
  Vous allez devoir  mettre les trois couleurs suivantes sur le dessin de la
  plaque : Bleu, rou… et ve... Comme  ici, au tableau…..

          Elle nous montre de sa baguette trois feuilles de différente couleur accrochées au tableau et se met de côté pour nous les faire répéter plusieurs fois. Je n’ai pas bien entendu les noms, mais comme je connais déjà ces couleurs, je les répète en même temps que ma voisine. Puis, elle interroge quelques élèves pour s’assurer de nos acquis et nous donne à chacun une plaque avec un dessin coloré. J’ai une sorte d’arbre aux tâches rouges dans un champ avec un ciel bleu. Tandis que l’institutrice fait son cours aux CP, qui apprennent des lettres, je fais au mieux pour m’appliquer tant j’ai peur des représailles. J’ai bien compris qu’il ne fallait pas dépasser. Je n’ose pas parler avec ma voisine, mais je jette un coup d’œil sur sa planche et lui tourne légèrement la mienne. Nous avons toutes les deux réussies. Quand la cloche sonne, c’est la récréation. Là je fais connaissance avec Aline qui habite sur la place du village. Je ne lui dis pas que je n’entends pas toujours très bien. J’ai l’impression que je suis la seule dans ce cas. Et j’ai remarqué que certains enfants sont méchants et moqueurs. Je préfère attendre un peu avant de me confier à ma nouvelle amie. A midi, quand maman vient me chercher, je lui dis d’emblée que je ne veux pas y retourner.

 -Pourtant, il faudra bien, ma chérie. Tu dois aller à l’école pour apprendre un
   métier plus tard.

- Mais je n’aime pas la maitresse. Elle est méchante.

- Mais non…

- Si ! Elle crie et elle a une baguette.

 -C’est pour montrer le tableau.

 -Non, elle tape aussi avec !

 -Mais non, mais non… De toute façon, je vais bientôt passer mon permis et
    j’irai travailler. Donc, il faudra que tu sois à l’école.

- Tu vas aller travailler ?

 -Hé oui, comme tous les parents.

- Mais il y a des mamans qui ne travaillent pas.

- Oui, mais moi je veux travailler pour que l’on ait une meilleure vie.

- Moi, je la trouve belle ma vie. Pas toi ?

          Ma mère éclata de rire avant de me répondre : « Si ma chérie. Très belle, mais je veux plus et pour avoir plus, il faut de l’argent. Et plus tard, si je ne veux pas me retrouver dans la misère, il me faut une retraite. Et pour ça, il faut travailler….

Je n’avais pas tout compris, mais je voyais que c’était important pour elle.

- Mais tu vas partir de la maison pour travailler ?

- Oui dans la journée.

- Tu seras là le soir ?

- Mais bien-sûr ! Allez, maintenant va dans la cuisine, on va manger
  termina-t-elle  après avoir refermé la porte de l’appartement derrière nous.

Ma mère voulait me rassurer, mais j’avais bien vu l’institutrice taper sur les doigts d’un CP car il n’écoutait pas. Je ne le savais pas encore, mais mon calvaire avec les profs ne faisait que commencer. Je n’aimais pas ce mot « travailler », mais il semblait être très important. J’étais loin de me douter à quel point il allait devenir toute ma vie.

 

Fin de l’extrait…

 

 

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