31 Juillet 2016
Coucou à tous ! Comme promis sur ma page Facebook, je vous mets ci-dessous la nouvelle en entier avec sa fin. Je vous souhaite une bonne lecture ;-)
La Fille du Quai ...
Je lève les yeux vers le monument millénaire. Il est six heures au clocher de l'église. Je ferme mon éternel blouson de cuir, replace ma mèche machinalement et je quitte le square endormi par la nuit pour me diriger vers la Mairie d’où elle va sortir. Comme chaque soir je l'attends. Svelte, blonde aux yeux clairs, elle descend les marches en fermant son trench d’une main experte et me sourit. Je m’avance vers elle, il faut que je lui parle, que je dépasse cette retenue qui m’en empêche, que je prenne sur moi. Mais comme à chaque fois, elle se dérobe, semble pressée, semble me fuir. Elle traverse l’avenue de son pas léger en se protégeant de la pluie avec son porte document de cuir noir et se dirige vers la gare. Je la suis, me rapproche en marchant posément tandis qu’elle attend son train, comme chaque soir à cette heure. Je m’élance mais aucun son ne sort de ma bouche. Mes oreilles bourdonnent, mon souffle s’accélère, j’étouffe même…. Et puis tous ces bruissements angoissants qui s’amplifient… Elle-même me regarde comme pour me dire de ne pas briser cet instant fragile tandis que les hauts parleurs annoncent l’entrée en gare du train. Les portes s’ouvrent, elle s’engouffre avec les autres passagers dans le wagon. Elle se retourne et me sourit à nouveau tandis que la rame démarre lentement pour s’éloigner. Les bruissements s’atténuent, mes oreilles se calment et je respire à nouveau. Fichu stress !!! Je pars alors de mon côté en me promettant de l’aborder le lendemain. Alors que je marche sur le quai, je remarque un homme assis sur l’un des bancs des voyageurs en attente, qui me fixe comme s’il me connaissait. Son imper fait date, pour peu, il me ferait penser à Colombo le flic de la série Américaine. Même visage anguleux, mêmes yeux sombres et même accoutrement. Son regard insistant me met mal à l’aise. Tandis que je passe devant lui en l’ignorant, il me semble entendre : « hé oui… Pas facile d’oublier …, Oublies la, choisi la lumière ». Je m’arrête et me retourne, mais l’homme a déjà disparu dans une rame. Ai-je bien entendu ? Oublier ? La lumière ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Dans mes pensées, je reprends mon chemin bien décidé à demander à l’inconnu ce qu’il voulait dire et me fonds dans la nuit qui m’engloutit.
§2
Le jour s’est levé. Je le cherche, mais le quai de la gare est désert. Je m’asseye sur le banc des voyageurs et attend l’arrivée du premier convoi puis un second. Toujours personne… Je reviendrai ce soir…
18h00. Je reviens par le train de nuit. A travers les vitres que la pluie floute, je l’aperçois assise à côté de l’inconnu. Emmitouflée dans un duffle coat gris épais qui contraste avec son écharpe polaire blanche, elle semble plongée dans ses pensées. Le train s’immobilise dans le bruit assourdissant des freins et je descends. Elle se dirige vers mon wagon. Je lui souris en m’avançant vers elle, mais tout à coup je perds l’équilibre, je ne vois plus mes pieds, mes oreilles bourdonnent, à bout de souffle je m’appuie sur un poteau en fer soutenant l’immense pergola du quai et quand je relève la tête, elle a disparu. Je me retourne, la cherche dans le train en marchant le long des wagons. Le haut parleur annonce le départ du convoi, les portes se ferment. Je l’ai ratée. Je maudis mon vertige passager. Sur quoi ai-je bien pu me prendre les pieds ? Ça devient pénible à la fin ! Je regarde, dépité, le train s’éloigner et aperçois l’inconnu qui s’éloigne. Je cours après lui en y mettant toutes mes forces retrouvées. Je pose ma main sur son épaule, mais la rate de peu : « Monsieur, s’il vous plait, attendez ! Je voudrais vous parler ». L’homme se retourne. Il n’y a plus que nous sur le quai. Trapu, la cinquantaine, il semble porter sur lui tout le poids du monde. Dans son regard, je lis la compassion. Dans un soupir de lassitude, il me demande : « Que veux-tu ? ».
Je fais un tour d’horizon sur moi-même, mais ne vois rien de particulier. Et quand je me retourne vers lui, l’inconnu a disparu. Quel imbécile je fais ! Je suis tombé sur un dingue ! Ca m’apprendra. Qu’est-ce que c’est que cette manie de disparaitre en jouant les mystérieux… Il ferait bien de se faire soigner. Je m’éloigne mi en colère mi songeur. De quels sacrifices parle-t-il ? J’approfondis mon tour d’horizon. La Gare est à nouveau déserte. Le prochain train n’arrivera pas avant ½ heure. Le vent pousse les nuages d’automne pour laisser apparaitre la lune rousse. Bref, une gare comme il en existe tant d’autres et une météo classique. Qu’est-ce que je ressens ? De l’attirance, l’envie de lui parler. En quoi ça parait étrange ? Ainsi va la vie que les aimants s’attirent. Par contre, j’ai vraiment la poisse ces derniers temps avec mes maladresses. Manquerait plus que je tombe sur la voie…. Il est déprimant ce clochard, mais il a le mérite de me faire réfléchir. Je suis censé être cartésien, pourtant, je ne vois toujours pas à quoi il veut en venir. Voyons réfléchissons….. Je zippe mon blouson et quitte les lumières de la gare.
§3
Que de monde aujourd’hui dans les rues scintillantes. Ils se pressent tous avec leurs sacs ou valises. L’atmosphère est festive. Je ne l’ai pas vue ce matin, j’espère qu’elle n’est pas malade. Mon ami le clochard, semble lui aussi aux abonnés absents. Ce n’est pas aujourd’hui que j’aurais les réponses à mes questions on dirait. Je marche dans les rues pour tuer le temps. Je m’arrête devant la vitrine d’un nouveau magasin. Ordinateurs derniers cris, téléphones sans touches, on arrête plus le progrès ! Son reflet apparait… Je me retourne… C’est elle, j’en suis sur ! Ces cheveux blonds… j’en mettrais ma main à coupée ! Elle va vers le parc. Je la suis, je passe le portique d’entrée… Je suis essoufflé, les jambes coupées, mon regard l’a perdue. Je m’écroule sur le banc de bois pour calmer mon cœur qui fait au moins du 120 et mes poumons en feu. Je ferme les yeux pour me concentrer sur ma respiration qui met plus de temps à se calmer. Il va falloir que je me remette au sport. Plus sérieusement j’ai dû me tromper, j’ai cru la voir dans le reflet de la vitrine. Je suis vraiment raide dingue de cette fille. Quelques minutes plus tard, la tête dans les mains, j’ouvre les yeux. Quand je relève la tête, je replace machinalement ma mèche de la main et aperçois une petite enveloppe coincée entre deux lames du banc. Je jette un regard : Personne à l’horizon. J’aurais pu passer à côté tant la couleur verte de l’enveloppe se confond avec celle du banc. Aucun timbre, mais par contre il y a mon prénom : Damien. Re tour d’horizon. Personne. Il faut bien que je sache à quel Damien c’est destiné ou qui en est l’expéditeur afin de voir si je peux la rendre à quelqu’un. Je me décide à ouvrir l’enveloppe et en tire une carte de visite vierge de nom avec écrit : « Oublie-moi pour ton salut. Reste loin de moi. Je ne t’oublierai jamais. Claire »
Elle m’a écrit ! L’oublier ? Mais non, je ne veux pas. Quel salut ? J’en ai les oreilles qui bourdonnent. Ma tension monte en même temps que ma colère. Ma tête est si lourde…
Debout, devant moi, le clochard me regarde.
Je laisse ma colère éclater.
Mais je n’arrive pas à bouger.
Son ton péremptoire me force à ne plus bouger. De toute façon je n’en ai pas la force.
Je reprends mon souffle, ça va déjà mieux. Je rouvre les yeux, il est toujours là.
Je le regarde en silence. C’est vrai que je me sens mieux. Tout est redevenu normal.
Je sens que je ne vais pas arriver à m’en débarrasser. Au point où j’en suis pourquoi pas…
§4
Assis à côté de moi, il garde quelques minutes de silence.
Ça a l’air terrible. Je n’ose même pas plaisanter.
Quoi, mes fringues…. J’ai mon blouson, un jean, un polo…. Manches….
Je ne comprends pas où il veut en venir. Mon dernier souvenir avec elle ? C’est flou…. Sinon bah il y a quelques minutes dans la vitrine. Devant mon silence, le clochard s’agite.
Sur ce, il se lève et se place face à moi. Je regarde son trench élimé, son pantalon large, sa chemise à carreau.
Il ne touche pas le sol. Il lévite devant moi. Je passe ma main sous ses pieds sans problème.
Hein ? Déboussolé, je fais ce qu’il dit et en effet ma main ne sent rien…
Silence. Incrédulité. Je suis mort !!!
Je le regarde complètement ahuri.
Je le regarde, horrifié par sa description, mais tout me revient… Claire qui arrive vers moi, Le choc ressenti et mon atterrissage sur la voix puis plus rien. Plus rien à part la Mairie et la Gare. C’est donc ça la mort ?
La décision n’est pas si difficile. Je préfère la voir tous les jours, même si je ne dois pas l’approcher, et voir la vie, le soleil plutôt que de me retrouver avec les « Croque morts » comme dit le clochard. J’aimes déjà pas me « dissoudre » quand ils approchent alors je me doute que ça sera bien pire dans les enfers !
Foeby Anne / Ma vie entre deux mondes / Facebook : Foeby Anne / Maman Malentendante / La fille du quai
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