26 Février 2016
Ces dernières semaines, un téléfilm avec un personnage muet utilisant la langue des signes passait sur TF1. Il s’agit du secret d’Elise. L’histoire se centre sur un couple qui s’installe dans une maison du Sud de la France qui se retrouve hantée par le fantôme d’Elise, morte en 1969. Elle se serait noyée… En 1986 la famille qui habite dans cette maison va devoir faire face à une amitié naissante entre Elise et leur fille. L'histoire reposant sur le lien entre trois périodes, 1969, 1986 et 2015, je craignais que le passage d'une période à l'autre ne soit brouillon. Hors, bien au contraire, la fluidité est absolue, rendant la mention écrite de l'année superflue. Le grain de l'image et sa couleur diffèrent, avec un filtre grisâtre pour 69, un traitement des couleurs tirant vers le jaune pour 1986, et un grain naturel pour la période la plus récente. Le montage est créatif, et le travail des équipes de décoration et des costumes est assez précis, donnant un rendu très correct de chaque période.
Le téléfilm est le résultat de la mode actuelle à savoir qu’en France on adapte des séries ou des concepts étrangers. Cependant, il faut reconnaitre que l'écriture est fine et les dialogues sont logiques et précis. Le traitement des éléments surnaturels est à la fois créatif et subtil, toujours à la frontière entre réalité et fantastique. La musique, originale, composée pour la série, est poignante et sublime, en parfait accord avec le propos de la série.
Le premier souci vient du scénario, qui bien que basé sur 3 époques, est aussi mince qu'une flammekueche et le jeu des acteurs sonnent parfois aussi faux que ceux de La Famille Bélier. Surtout en ce qui concerne Valérie kaprisky, actrice entendante, qui joue Catherine une jeune femme muette mais pas sourde (on se demande d’ailleurs comment c’est possible). Elle signe très mal avec imprécision et sans émotions sur son visage. Or la langue des signes s’utilise avec tout le corps afin de faire passer les émotions. Son jeu général était plat avec beaucoup d’hésitations flagrantes. Pourquoi le rôle n’a-t-il pas été donné à une vraie malentendante ? Pourquoi pas Emmanuelle Laborit ou une autre actrice ? Elle aurait été plus crédible. Plus vraie que nature ! Serait-ce du racisme anti sourd ? Car pour le film la famille Bélier ça a été la même chose. On a prit des acteurs entendants à qui on a enseigné les rudiments de la LSF pour leur rôle. La conséquence en a été un simulacre à la limite du sabordage.
Deuxième souci, et de taille, il y a une incohérence dramatique pour suivre la série qui est l’incohérence des âges entre les périodes. Yanis, ce dernier a tout au plus 35 ans en 2015, donc 6 ans en 1986 donc particulièrement précoce pour avoir une relation avec une Catherine qui elle est âgée à coup sur de 27 ans et parait bien jeune en 2015 pour une femme de 57 ans. On la présente en 1986 comme une fille de 16 ans qui est entrain de découvrir l’amour alors que dans la logique des choses elle doit avoir plus de 26 ans puisque en 1969 elle avais l’âge de d’Elise c'est-à-dire 10 ans. En 2015 on ne comprend pas bien si Catherine à 55 ans ou 45 ans, mais dans les deux cas on la présente échanger des messages affectueux avec Yanis Ramza, un jeune marié qui attends son premier enfant, c'est-à-dire un couple dans la trentaine au maximum vu la jeunesse des acteurs qui incarnent ce couple. Catherine en 2015 doit avoir 55 ans selon l'histoire mais on la présente très très jeune dans la série. TF1 prend vraiment les téléspectateurs pour des imbéciles.
Si les deux petites filles jouent très bien, il n’en est pas de même pour les ados qui jouent faux et paraissent très mal à l’aise. Et là, j’en reviens à la jeune fille qui jouait Catherine adolescente qui ne savait visiblement pas signer, avait des sons de gorge et des hésitations toutes les 3 secondes. Même si le personnage n'était pas sourd, il utiisait la LSF pour communiquer. Le fait d'être sourd ou entendant ne change rien au scénario. Une petite fille entendante peut très bien être amie avec une petite fille sourde ou malentendante. Il aurait été plus judicieux d'écrire l'histoire avec un personnage sourd et de le faire jouer par une actrice sourde. TF1 aurait-il eut peur de perdre des téléspectateurs si un personnage sourd avait été présent ? Probablement. Le seul acteur à tirer son épingle du jeu est sans nul doute Bénabar, tantôt bouleversant, inquiétant, fascinant de retenue et de subtilité, qui prouve ici qu'il est aussi bon chanteur qu'acteur.
Donc au final, un ressentit très négatif. Je ne comprends pas les réalisateurs qui refusent de faire jouer une actrice sourde. Pour moi, c’est de la discrimination pure et simple. Et personne ne dit rien. Tout le monde trouve ça normal. Comment voulez-vous que l’image de la surdité change si le cinéma et la télévision ne change pas, n’engage pas d’acteurs ou d’actrices sourds. On a l’impression que notre pays veut maintenir les sourds dans la case «anormaux ». Qu’il ne faut surtout pas montrer que l’on peut être aussi bons voire meilleurs que des entendants. In fine, c’est peut-être ça qui les dérange. Serait-on meilleur qu’eux ?
Commenter cet article