Dans la vie courante, pour la personne lambda qui n’a pas de handicap visible ou invisible comme le mien, la gamme des situations qui peuvent créer de l’anxiété est large. Ça part du simple regard appuyé sur des rondeurs ou un vêtement démodé à des remarques voire des insultes cinglantes. Tout cela pouvant générer des phobies handicapantes allant de la simple gêne à la phobie sociale.

• Une société stéréotypée…

Nous vivons dans une société qui a stéréotypé l’être humain. Il faut être mince, jeune et beau pour entrer dans le moule que le mannequinat, les médias et la presse écrite ont formaté. A cause d’eux il y a une exploitation importante du culte de l'image. La notion d'estime de soi et surtout l'image que l'on doit donner de soi, qui doit toujours être valorisante, est omniprésente. Il suffit d’avoir une image de soi fragilisé, une expérience passée difficile ou avoir entendu des paroles désobligeantes pour qu’un simple regard détruise ce beau château de cartes qu’est notre estime de soi.

• Culte de la performance…

Il faut ajouter à tout cela un culte de la performance (sportive, sexuelle, professionnelle etc…), et surtout de la performance sociale. Communiquer sur les réseaux sociaux comme sur son lieu de travail ou entre amis, est presque devenu un leitmotiv, un must have que l’on se doit de savoir utiliser au risque de se voir laisser de côté. Les gens en viennent à se demander s'ils sont suffisamment bons dans leur communication avec les autres, ce qui peut aggraver les prémices d’une anxiété sociale qui existait préalablement.

• Affronter le regard des autres….

Moi qui suis malentendante, je dois affronter le regard des autres tous les jours, que se soit sur mon lieu de travail ou dans les magasins ou n’importe quel lieu public et ce, dès que je vais devoir communiquer. Pourtant avec la télévision, le cinéma et internet les gens devraient avoir changé d’aprioris vis-à-vis de la surdité. Bah non, on me regarde toujours comme une arriérée mentale, ce qui a le don de m’agacer prodigieusement. Il est vrai que je vis à la campagne où les mentalités sont plus longues à changer, mais qu’en est-il des villes ? Pour avoir été plusieurs fois à Rouen, Paris, Montauban ou Toulouse (pour ne citer quelles), je n’ai pas vu de différence notable. Il suffit que je dise « pouvez-vous répéter car je suis malentendante » ou « pouvez-vous parler plus fort car je suis malentendante » pour avoir droit à différents regards allant de la surprise, à l’exaspération (comme si ça leur faisait perdre du temps) en passant par l’empathie ou carrément la peur : « heu… Je vous confie à ma collègue qui saura bien s’occuper de vous » (en s’éloignant rapidement en plus !). Forcément, ça donne pas envie de communiquer. C’est probablement la raison pour laquelle, j’ai pris l’habitude de me débrouiller toute seule quand je fais les magasins.

• Mon expérience à Leclerc….

Dernièrement, je suis allée au rayon musique d’un magasin Leclerc pour acheter deux cd à mon mari. Apparemment la vendeuse m’a appelé alors que j’étais de dos à regarder l’achalandage et bien-sur je ne l’ai pas entendue. Elle s’est approchée de moi et m’a touché l’épaule. Je me suis retournée pour faire face à une jeune femme de moins de 30 ans qui m’a redemandé si j’avais besoin d’un renseignement. Je m’excuse alors de ne pas l’avoir entendu puisque je suis malentendante et là, elle recule avec une expression de surprise apeurée en disant « Ah oui… ha oui…. Ben….. ». Ce à quoi j’ai répondu par : « Je cherche un cd pour mon mari, ne vous inquiétez pas, je vais me débrouiller toute seule ». Et elle de murmurer soulagée « tant mieux… » avec un sourire revenu ! J’ai bien vu que sa réaction était dû au fait qu’elle ne savait pas comment faire avec une personne malentendante, que ça partait d’une maladresse, mais ça confirme le fait que les gens, même de la jeune génération connectée, ne savent toujours pas que je ne suis pas contagieuse, pas attardée, mais juste différente.

• Un côté répétitif dévastateur….

J’ai donc pris le parti de ne plus faire attention au regard des autres. Car si je le faisais je serais détruite depuis longtemps. Car même maladroit, surpris ou simplement empathique, son côté répétitif aurait été dévastateur. Donc, je fais comme si je ne le voyais pas, comme si il n’existait pas. Comment oublier le regard des autres et vivre sa vie pleinement ? En s’en fichant royalement !

Et on revient toujours à la même chose, c’est toujours moi qui m’adapte, jamais les autres…

Et vous comment réagiriez-vous face à de tels regards ?

Foeby Anne / Facebook : Foeby Anne / Maman Malentendante / Le regard des autres